Derrière le groupe Mimbiasse il y a deux rappeuses, des sœurs jumelles qui valorisent depuis plus d’une dizaine d’années la culture Fang à travers leur concept IBOGA RAP. Il y a un an, dans la continuité de leur mouvement, elles ont créé le studio d’enregistrement IBOGA RAP MINKO MI BIE, une initiative très louable dans un secteur qui se veut exclusivement masculin.
BELLA MINKO Elssy et NZOUA MINKO Pascale nous racontent avec beaucoup de sincérité, comment elles assument leur nouveau rôle de patronnes et comment le concept IBOGA RAP contribue à vulgariser la culture traditionnelle dans le monde du hip hop au Gabon.

Qui sont les Mimbiasse ?
Nous sommes des sœurs jumelles qui rappent et chantent en langue vernaculaire Fang. Pour nous c’est comme une base, une particularité. Mais nous rappons aussi en Français et en Anglais. Nous sommes fières de notre pays et conscientes de sa diversité culturelle que nous valorisons à travers notre musique.
Qu’est-ce qui vous a motivées à vous lancer dans la musique ?
Nous sommes deux femmes sportives et dynamiques, la musique est une passion depuis l’enfance. Notre père était lecteur et chantre à l’église catholique, après une formation au Séminaire Saint Jean.
Nos parents étaient aussi initiés et pratiquants aux rites de chez nous, notre enfance a donc été bercée par les sons de la cithare, par la musique religieuse traditionnelle et le folklore du Bwiti. Les cérémonies faisaient parties de nos vacances quand on se rendait dans notre village à Cocobeach qui est situé dans l’Estuaire.
Le déclic s’est naturellement fait au lycée pendant les kermès et journées sportives et récréatives. Nous avons aussi été positivement marquées par notre passage au club d’anglais Steeve Biko English Work Shop du lycée LPNA (Jean Hilaire Aubame Eyeghe) entre 2000 et 2003.
D’où est venue l’idée de lancer votre propre studio d’enregistrement ?
C’est l’absence de priorité, malgré des rendez-vous programmés et payés à l’avance dans certains studios, mais aussi, les conditions de travail dans les studios au niveau des heures, surtout avec nos emplois du temps professionnels en tant que stagiaires puis fonctionnaires dans les Ministères, qui nous ont poussées à prendre notre indépendance.
L’avantage d’avoir son propre studio d’enregistrement est qu’on gère les programmations de séances et on n’a plus peur des horaires, ni de se retrouver à prendre un taxi tard la nuit. Du coup, on a aussi moins de pression avec les techniciens de studio. IBOGA RAP MINKO MI BIE Studio est aussi un hommage à notre père MINKO MI BIE Jacques Christian, qui a été une grande source d’inspiration pour nous.

Vous nous expliquez le concept « IBOGA RAP » ?
Après nos retours du Sénégal et du Ghana à la fin de nos études, l’évidence d’avoir une identité propre au groupe sonnait comme une valeur ajoutée et une affirmation de nos différentes influences.
IBOGA RAP a comme concept « la langue », c’est une philosophie propre à nous. Nous avons aussi une marque de street wear du même nom. IBOGA RAP est une identité culturelle. Nous sommes fières du Pays de l’Iboga, d’où le nom Mimbiasse qui signifie « jumelle » en Fang. Et aujourd’hui nous avons le studio IBOGA RAP.
Des artistes « connus » ont déjà posé chez vous ?
En quelques mois on a eu comme visiteurs : RodZeng, Delpega, Beni Bene, Lasback, Kayaman du Bled, Jessy’K Talisha, Black Zone Independant, Assok Ogame , des chorales et bien d’autres…
Votre studio d’enregistrement est situé à Atsibe Ntsoss, un quartier réputé pour son insécurité. Comment arrivez-vous à mettre les artistes en confiance ?
La vérité est qu’il faut mettre en confiance un visiteur, encore plus si c’est sa première fois dans un quartier ayant une réputation comme Atsibe Ntsoss. Après il faut assurer sa sécurité et l’intégrer au feeling. La solidarité masculine est obligatoire quand une femme vient au studio. C’est un devoir de s’occuper de sa securité, surtout si elle vient faire des chœurs pour un artiste.

Quels sont vos tarifs ?
On ne va pas parler des tarifs, mais de la symbolique qui est très importante pour nous. Il y a l’Okandjo, la bénédiction, l’approbation et la salutation. Il faut savoir que les jumeaux sont des esprits, donc « l’Okandjo » est souvent un geste, un symbole lorsqu’on travaille dans notre studio pour la première fois. Sur une assiette blanche, on pose un billet de banque ; un litre de jus, un litre de sirop menthe ou encore une liqueur, de l’eau etc. C’est un rituel important.
